Pascal Gallois propose ce
nouvel enregistrement du Marteau sans maître de
Pierre Boulez, où il dirige l'International Contemporary
Ensemble (ICE) avec la mezzo-soprano Katalin Károlyi.
L'International Contemporary Ensemble (ICE), new-yorkais dans
l'âme par sa vitalité créative, se consacre
au renouvellement de la façon dont la musique est créée
et vécue. Il est l'ensemble phare de la création
contemporaine aux USA.
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Le Marteau sans maître est
la pièce qui fait référence dans l'œuvre
de Boulez et du sérialisme intégral (Boulez aimait
dire que celui-ci n'avait, en fait, duré que six mois).
Sa lointaine relation avec le Pierrot Lunaire op. 21
de Schoenberg, composé en 1912 et comprenant une suite
de pièces courtes pour un petit groupe instrumental dialoguant
avec une voix de femme soprano, est une sorte d'hommage au Maître
viennois dont Boulez s'est souvent inspiré. Il citait fréquemment
Schoenberg et Stravinsky comme étant les fondateurs de
la musique du 20ème siècle. Mais aussi, dans
Le Marteau, Boulez démontre qu'il était très
ouvert aux musiques extra-européennes : d'Extrême-Orient,
d'Afrique ou d'Amérique du Sud. Comme son professeur Olivier
Messiaen, il avait cette curiosité gourmande. Je le revois
me décrire l'interprétation du sigle initial de
Dialogue de l'ombre double lors de nos séances de travail,
il s'était remémoré un film visionné
au Musée de l'Homme à Paris dans les années
50. Il me décrivait un chant d'incantation de la pluie
d'une vielle femme africaine, et s'enthousiasmait en l'évoquant,
l'imitant pour décrire des gouttes de pluie qui mettent
en résonnance les flaques d'eau. Boulez évoquait
parfaitement cette parole caractéristique rythmée
et peu chantante, quasi-psalmodiée, ceci grâce à
des onomatopées. Ce qu'il aimait beaucoup dans les chants
et rythmes extra-européens était surtout leurs «
rôles » rituels.
Dans Le Marteau sans maître,
c'est la flexibilité et la diversité sonore des
ensembles de percussions de Bali qui le déterminaient.
L'évocation du “koto” japonais par la guitare
et les pizzicati de l'alto. La proximité humaine et sonore
de la flûte alto et du “shakuhachi” japonais
grâce au souffle que l'on ressent autant que le son. Le
souffle de la voix d'alto qui transcende le poème de René
Char.
Pascal Gallois
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